Sonya Yoncheva. Tragédienne et (presque) reine. Et la diva triomphe dans le grand air de Vitellia de La Clemenza di Tito de Mozart « Ecco il punto, o Vitellia ! … Non più di fiori ». L’onctuosité du timbre, la souplesse de la voix, la profondeur des graves, la ligne mélodique, la musicalité, le chatoiement des couleurs que soutient une orchestration admirable couronnent le récital.
Étiquette : compte-rendu 2024
Samson de Joachim Raff. Maitre d’œuvre musical de l’enregistrement, le chef suisse Philippe Bach à la tête d’un Berner Symphonieorchester engagé, énergique et raffiné, reste attentif à toutes les nuances d’une partition puissante et généreuse, aux affects multiples. Il en capte les moments d’émotion, déchaine les forces du combat collectif, célèbre les dynamiques d’une construction dramatique sans baisse de tension.
Nabucco au Capitole. La célébrité du chœur « Va piensero », lamento des exilés et chant d’espoir d’un peuple opprimé, a fait de Nabucco un hymne à la liberté, toujours d’actualité. Et l’immense et superbe aile blanche – couleur associée ici aux Hébreux – oriente notre perception vers cette dimension universelle. L’aile déployée qui orne de nombreuses statues et bas-reliefs babyloniens par un renversement esthétique astucieux manifeste in fine la lutte pour la liberté de chacun sur une terre réconciliée.
Les Brigands. La cage aux vol(eurs). Les costumes crypto-gays des brigands sont singulièrement hideux, et on se dit que le regietheater, pour qui Elektra équivaut à Rigoletto comme à Véronique, a encore frappé ; on se dit que, non, on n’a rien contre les trans, mais qu’à force d’ « inclusion », tout finit par se ressembler, de l’ouverture des JO à une soirée au Moulin rouge.
Eugène Onéguine au Capitole. Le Lenski du ténor norvégien Bror Magnus Tødenes émeut tout autant dans sa déclaration d’amour à Olga et dans un « Kouda Kouda » délivré avec une mélancolie résignée.
Don Quichotte. La musique est d’un lyrisme discret, sans « grand air » qui s’inscrive dans la tête, mais son charme est certain. Servie par un Orchestre de l’Opéra de Paris qui respire à ses rythmes, elle s’épanouit sous la baguette experte Patrick Fournillier, grand spécialiste du compositeur. Pas un temps mort, des couleurs, des demi-teintes, une souplesse, un sens de l’action dramatique, une réussite exemplaire. Christian Van Horn est un grand Don Quichotte qui restitue en profondeur la noblesse d’un cœur blessé et qui pardonne, un Cyrano dont l’héroïsme est dans l’amour, dans l’espérance et la charité – vertus chrétiennes dont le compositeur se fait ici le chantre -. La voix est harmonieuse, pleine et chaude, l’articulation de la langue sans reproche.
Pelléas et Mélisande. Souplesse de la ligne musicale, couleurs infinies, irisations orchestrales installent un climat frémissant. Les embryons de phrases prennent leur temps pour se développer, comme à tâtons, et le chant, retrouvant le recitar cantando originel, laisse s’exprimer, comme malgré lui, des secrets enfouis, des craintes inavouées, des pulsions cachées, des colères longtemps tues, des passions qui affleurent.
Cendrillon au pays des Ziegfeld Follies. Musicalement la fête est totale, grâce d’abord à la direction de Michele Spotti. Le chef italien, maitre d’œuvre d’un Guillaume Tell à Marseille sensationnel, fait de cette musique un feu d’artifice permanent, avec ses fusées, ses grandes roues, ses éblouissantes cascades, ses accélérations phénoménales qu’un orchestre du Capitole survolté assure avec panache.
La mise en scène de Calixto Bieito ne s’est guère bonifiée, depuis qu’a été créée cette production, en 2018, mais le public, qui cette fois ne l’a pas huée, paraît s’y être habituée.
La Femme sans Ombre. La Teinturière c’est la frustration, les récriminations, la douleur, la sensualité inassouvie. Ricarda Merbeth (Kammersängerin de l’Opéra de Vienne, familière de Bayreuth, grande Isolde, immense Elektra à Toulouse en 2021) fait valoir dans ce rôle l’étendue de ses qualités dramatiques et lyriques et une voix de soprano corsée, sensuelle, à la puissance impressionnante.