Musique 4****
Voyage d’automne
Voyage d’automne, une saison en enfer qui ébranle
Création à Toulouse du troisième opéra de Bruno Mantovani
Direction musicale Pascal Rophé, Mise en scène Marie Lambert – Le Bihan, Marcel Jouhandeau Pierre-Yves Pruvot, Gerhard Heller Stefnan Genz, Ramon Fernandez Emiliano Gonzalez Toro, Jacques Chardonne Vincent Le Texier, Pierre Drieu La Rochelle Yann Beuron, Robert Brasillach Jean-Christophe Lanièce, Wolgang Göbst William Shelton, Hans Baumann Enguerrand De Hys, La Songeuse Gabrielle Philiponet, Chœur de l’opéra National du Capitole, Chef de chœur Gabriel Bourgoin, Orchestre national du Capitole
Du 22 au 28/11/2024, Capitole de Toulouse.
Le Voyage d’automne
En octobre 1941, des écrivains français reconnus acceptent d’aller cautionner le régime nazi en participant en Allemagne à un voyage d’agrément, littéraire et intellectuel élaboré par Goebbels ministre de l’Éducation du peuple et de la Propagande du Reich. L’opéra de Bruno Mantovani créé au Capitole de Toulouse le 22 novembre 2024 se fonde sur le récit historique de François Dufay paru en 2000 Le Voyage d’automne.
Qu’attendent ces écrivains de ce voyage du déshonneur ? Quelques bribes de reconnaissance, des traductions, des laisser-passer, de honteux hochets. Pendant plusieurs semaines, ils parcourent les hauts lieux de la culture allemande, celle de Goethe et de Beethoven. Chaperonnés par deux officiers nazis amis des lettres, ils assistent à un congrès des écrivains à Weimar, inauguré en grandes pompes par le chef de la Propagande en personne qui ici prend le nom de Göbst : on ne saurait faire de Goebbels un héros d’opéras.
L’âme vendue au diable
Tous les noms des autres protagonistes, et leurs propos, sont fidèles à la réalité historique. Le livret de l’opéra suit ces hommes qui vendent leur âme au diable, d’étape en étape, de dialogues méprisables dans les compartiments des trains, en réceptions officielles. Un autre fil sous-tend l’action. Un des écrivains, Marcel Jouhandeau tombe sous le charme ambigu de Gerhard Heller, organisateur de la sinistre équipée. Cette fascination le conduira à l’avilissement dont une scène clé à l’acte II nous montre les épisodes sordides. Un autre moment, dont le livret, la musique et la mise en scène transcendent l’horreur sans en édulcorer l’intensité montre les cinq hommes témoins d’un massacre de juifs. Dans un quintette a cappella ils décident de ne pas avoir vu ce qu’ils ont bel et bien vu. Nous sommes au-delà de l’aveuglement. Nous sommes dans l’ignominie. On songe à la phrase bien connue d’Einstein « Le monde est dangereux à vivre, non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. ». En contraste absolu, les deux créateurs de l’opéra ont imaginé un personnage féminin allégorique. Lumineuse, parée d’une robe d’un blanc pur, la Songeuse – titre d’une élégie de la poétesse juive allemande Gertrud Kolmar, assassinée à Auschwitz – représente hautement la force inébranlable de la Poésie , seule capable de vaincre les forces de la destruction et de l’oubli.
Opera Gazet se devait d’évoquer ce qui fait figure d’événement musical. Nous avons pu interroger le librettiste, le compositeur, la metteuse en scène, maitres d’œuvre de cette création exceptionnelle par la force de son sujet, la puissance de sa musique. Nous renvoyons à ces longs articles parus dans la revue Commune. Ils informeront avec plus de détails le lecteur curieux d’en savoir plus sur une création qui fera date, nous en sommes convaincus, dans l’histoire de l’opéra au XXI° siècle.
À propos du librettiste, du compositeur et du metteur en scène :
https://revuecommune.fr/2024/10/17/naissance-dun-opera-2-5-entretien-avec-dorian-astor-librettiste/