XIX° siècle et XX° siècle
Le metteur en scène allemand choisit d’accompagner le drame d’un Rigoletto devenu clochard. Ce personnage supplémentaire, muet et grimé, incarné par le comédien Henri Bernard Guizirian ouvre l’opéra en sortant de son carton les reliques de son ancienne vie – sa corole d’Auguste, la robe tachée de sang de Gilda – faisant ainsi du drame un retour en arrière. Il l’accompagne ainsi triste, perdu dans sa mémoire, impuissant à changer la tragédie et affligé d’une violente douleur. Cette brève scène initiale présente aux spectateurs les trois éléments fondamentaux de la mise en scène. D’abord le carton. L’opéra est entièrement joué dans un décor en carton rappelant la boite aux trésors. Le maquillage ensuite, qui se décline en masques et en costumes. Ce motif introduit ainsi les thématiques du double, du moi social, du moi réel et du jeu. Le bal du premier acte se joue dans des costumes du XIX° siècle alors que le reste de l’opéra se déroule au XX° siècle. Rigoletto est doublé deux fois, une fois avec l’acteur silencieux, et avec Sparafucile, assassin auquel il s’identifie. Gilda est elle-même démultipliée par des jeunes danseuses. Le Duc, lui, est un Janus trompeur, charmeur avec Gilda pour obtenir ses faveurs pervers digne du Don Juan de Mozart avec ses valets et amis. Les décors peuvent aussi de dédoubler parfois. La rencontre avec Sparafucile montre deux pièces semblables, la seconde séparée par un rideau en velours bleu roi de la première. La mise en scène présente ainsi un univers de faux semblants qui piège Rigoletto et son innocente fille. Mais elle surligne à l’excès ses effets par les projections au-dessus de la scène. La rencontre entre Rigoletto et Sparafucile insiste même sur leur similarité comme en miroir. Cette insistance scénique gâche l’émotion comme la projection d’un couteau dans l’auberge du tueur à gage ou la jeune enfant courant dans les champs durant l’évocation du passé de Rigoletto. Mais c’est surtout le dernier acte qui est gâté par les girls du Moulin rouge en petites tenues pailletées, entourant une Maddalena en corset et collant noir de meneuse de revue.