La Petite Renarde Rusée à l’opéra Bastille

La Petite Renarde Rusée à l’Opéra Bastille est une production captivante qui envoûte le public grâce à sa narration intelligente et ses personnages charmants. Cet opéra de Leoš Janáček est un incontournable pour les amateurs d’opéra comme pour les nouveaux venus. Avec son orchestration luxuriante et ses interprétations pleines d’émotion, La Petite Renarde Rusée donne vie à un conte intemporel qui vous laissera sous le charme.

La Petite Renarde rusée
de Leos Janaceck

Cette année, du 1er janvier au 1 février, l’opéra Bastille présente La Petite Renarde rusée de Leoš Janáček Après l’Affaire Makropoulos en octobre de l’année dernière, l’Opera de Paris continue donc de produire les œuvres lyriques du compositeur tchèque, et c’est heureux étant donné le faible nombre de leurs représentations dans le monde. Si le public était assez clairsemé pour l’Affaire Makropoulos, la salle était pleine pour La Petite Renarde Rusée ce 19 janvier dernier. Pleine d’enfants d’abord. Il s’agissait d’une « séance relax » durant laquelle pré-adolescents et personnes handicapée pouvaient applaudir, réagir et même partir à leur guise. Il faut saluer cette initiative de l’Opéra Bastille, permettant d’initier ainsi ces publics éloignés souvent de l’art lyrique.  Les personnes mal voyantes pouvaient même emprunter des écouteurs à l’entrée afin de suivre le déroulement du drame.
Sous ses abords naïfs qui permettent au jeune public de comprendre immédiatement le récit, cet opéra, comme souvent les œuvres coutumièrement offertes aux enfants, montre bien plus de facettes et de réflexions qu’il n’y parait. Musicalement, il rappelle Mozart, notamment la Flûte enchantée, par ses étapes d’un parcours initiatique, sa musique fluide et chamarrée, et la diversité de ses personnages. Narrativement, il présente deux mondes parallèles, qui n’entrent en contact l’un avec l’autre que par la violence.
LA PETITE RENARDE RUSEE
LA PETITE RENARDE RUSEE Foto : Vincent PONTET. 2024

LA PETITE RENARDE RUSEE

La scène imaginée par le décorateur américain Nicky Rieti avec le metteur en scène français André Engel, que reprend la metteuse en scène allemande Dagmar Pischel, est coupée en deux en longueur par un chemin de fer, séparant le monde des humains de celui des animaux. Le monde sauvage est ici un champ de tournesols. Des enfants y apparaissent de toutes parts, en insectes, batraciens et cervidés. Les costumes de Elizabeth Neumuller sont particulièrement réussis, surtout ceux des animaux de taille moyenne comme les biches, le chien ou le blaireau anthropomorphisés.  La lumière de l’éclairagiste français André Diot est brutale, voir sèche, concentrant l’attention sur l’action, et les dialogues.  Un peu plus de fantaisie, de rondeur sur le plateau auraient pu animer davantage l’ensemble, parfois trop nu.
Dramatiquement, l’opéra est divisé en brèves scènes entrecoupées par un rideau de scène sur lequel la trame narrative est peinte comme pour un livre d’enfants. Chaque scène est ainsi un petit drame enchaîné au suivant par la présence de la renarde, ou du garde-chasse jusqu’à ce qu’elle soit assassinée par le braconnier et qu’il accepte de laisser vivre les bêtes. Ce système, permettant certes de changer de décors pendant que l’orchestre continue de jouer, hache cependant l’histoire et finit par gêner le spectateur, sans doute un peu frustré par l’austérité de la mise en scène.
LA PETITE RENARDE RUSEE
LA PETITE RENARDE RUSEE Foto : Vincent PONTET. 2024
La plus grande qualité de cette production est le jeune chef d’orchestre slovaque Juraj Valčuha, qui déploie un jeu fluide de cordes, piqué de cuivres et de percussions comme autant de reflets dans l’eau. Il installe superbement l’atmosphère de conte de fée qui baigne l’œuvre. Comme dans le Chevalier à la rose, l’orchestre est digne d’un poème symphonique dans son lyrisme, partagé  entre poésie pure et narration franche.
Malheureusement, le plateau vocal est ici déséquilibré, même si la volonté de clarté et de simplicité deJanaceck privilégie l’oralité. Les enfants jouant les animaux sont difficilement audibles d’abord. La soprano russe Elena Tsallagova en héroïne ne se fait pas bien entendre à côté de l’orchestre comme dans la scène avec les poules, et sa voix montante dans les aigus blanchit, comme dans son duo avec le chien ou celle avec le braconnier. Fort heureusement, son jeu d’actrice vif argent, reste frais et sans contrainte. Il peut même se faire humoristique, comme la scène avec les poules, ou plus en retenue dans l’émotion comme dans la rencontre avec le renard doré. La voix sûre de la mezzo irlandaise Paula Murrihy déploie toute une gamme de sentiments, de l’émoi pour la scène de la rencontre à la joie lors de la scène du mariage et même le désir dans sa dernière scène avec la renarde.
LA PETITE RENARDE RUSEE
LA PETITE RENARDE RUSEE Foto : Vincent PONTET. 2024
Les chanteurs convainquent aisément, le ténor tchèque Tadeáš Hoza en braconnier, et surtout le ténor allemand Milan Siljanov en garde-chasse.  Leur scène de rencontre restera sans doute dans les mémoires, grâce à leur justesse de jeu et de chant.  Milan Siljanov gardera sans doute ce rôle longtemps à son répertoire. Sans exagération, avec une articulation juste, laissant l’émotion venir sans la forcer, il est parfaitement dans son rôle. Son air final est d’une émotion simple, pure Il n’impose pas, mais il en en impose.
Somme toute, une soirée agréable pour qui garde une âme d’enfant.

Andreas Rey

Vous avez un commentaire à faire ? Vous pouvez le poster dans l’espace ci-dessous.
Les commentaires sur Facebook ne sont PAS lus par la plupart de nos critiques.
5 1 vote
Article Rating
Andreas Rey

REVIEWER

I am a opera critic since 4 years. I love opera since I heard Zauberflöte and Callas as a child.

No Older Articles
No Newer Articles
Subscribe
Notify of
guest

0 Comments
Newest
Oldest Most Voted
Inline Feedbacks
View all comments