Thaïs n’est pas aujourd’hui l’opéra le plus connu ou joué de Jules Massenet. Manon, Werther et même Don Quichotte sont plus représentés dans les maisons d’opéras, même si des productions récentes à Tours, Saint-Etienne, Monte Carlo et Paris (TCE) ont pu afficher l’histoire de la courtisane. Celle signée Stefano Poda lui redonne une puissance et une beauté remarquables. Etrange récit que celui de Thaïs, « prêtresse infâme du culte de Vénus », – lire une prostituée de luxe -, dont un saint homme, ancien pécheur, Athanaël, « veut gagner l’âme à Dieu », c’est-à-dire la convertir au christianisme. Elle mourra sanctifiée. Suivant l’itinéraire inverse, dévoré de passion et de désir charnel, l’anachorète s’abimera dans la souffrance et la frustration. Chez Anatole France – Prix Nobel de littérature 1921 – dont le livret s’inspire, cette double évolution inversée est nettement ironique : l’intention satirique peu discutable sonne comme une dénonciation des comportement religieux sinon hypocrites, du moins insincères ou fallacieux. L’abstinence dont se targue Athanaël, le fanatisme qu’il impose ne sont que le masque du désir et de la violence exercée sur le corps et ses pulsions, sur la femme aussi. Massenet et son librettiste ont adouci la portée anticléricale du propos et ont signé un opéra plus lisse et ainsi plus humain, plus émouvant.
Joyce Didonato. Au cours de ce douloureux voyage sentimental qui va de la plainte originelle « Teseo moi ben, dove sei ? Dove sei tu ? » à la dernière apostrophe du second aria (Chi tanto amai s’involo barbaro ed infedel), on mesure l’étendue du talent dramatique et lyrique de la cantatrice américaine.
Adrienne Lecouvreur en Noir et Blanc. Qu’ajoute cette transposition de l’intrigue au XX° siècle ? Pas grand-chose à nos yeux, cependant a priori intrigués par la référence au cinéma des divas et des stars telle la comédienne italienne Lydia Borelli (18844-1959) à laquelle le programme de salle fait explicitement référence.
La Vaisseau fantôme à Toulouse. Familier de la fosse, pétri de musique germanique, Frank Beermann à la baguette est le capitaine à la barre de ce splendide vaisseau.
Tosca. La dramaturgie de la Tosca en version resserrée se concentre sur les trois personnages du drame, conçu comme une tragédie en trois temps et trois déclinaisons d’une même aire scénique. Unité d’action, unité de temps – que souligne le motif récurrent de l’horloge -, et dès lors unité de lieu, puisque le même décor écarlate rouge enserre le déroulement du récit.
Giulio Cesare in Egitto. L’entrée au répertoire du Capitole de l’opéra de Haendel s’avère une réussite magnifique. Quelques heures après la représentation, on a oublié les déconvenues ou les irritations pour ne retenir que les joies d’un spectacle total, inventif et musicalement accompli.
L’Avant-Scène Opéra en péril. Nombre d’amateurs d’opéras en France et tous les spécialistes et critiques connaissent cette publication qui aurait pu fêter l’année prochaine son 50° anniversaire. Pour les lecteurs étrangers, il convient de préciser l’originalité de ces brochures d’une richesse inouïe sur tous les plans : musicologique, littéraire, dramaturgique, iconique, historique, discographique, en un mot culturel.
Orphée aux Enfers Jupiter a l’apparence auguste de Napoléon III, présidant aux plaisirs des princes et des grands bourgeois pris aux mirages du Paris du second Empire.
Le Voyage dans la lune. La scène est un plateau de cinéma traversé par un metteur en scène agité et des techniciens loufoques qui se mêlent à l’action. Un grand obturateur fermé ou ouvert rythme l’enchaînement des scènes. Sa lentille devient la face de la lune où s’inscrit le visage enjoué et bienveillant d’Offenbach, comme dans le film du réalisateur et illusionniste français.
Voyage d’automne. En contraste absolu, les deux créateurs de l’opéra ont imaginé un personnage féminin allégorique. Lumineuse, parée d’une robe d’un blanc pur, la Songeuse – titre d’une élégie de la poétesse juive allemande Gertrud Kolmar, assassinée à Auschwitz – représente hautement la force inébranlable de la Poésie , seule capable de vaincre les forces de la destruction et de l’oubli.