La Clémence de Titus à l’Opéra de Paris-Garnier

La Clémence de Titus

Opéra en trois actes de Wolfgang Amadeus Mozart sur un livret de Caterino Mazzolà adapté de Metastasio, créé à Prague, le 6 septembre 1791.

Six représentations du 30 juin au 13 juillet à l’Opéra de Paris-Garnier.

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En cette fin de saison lyrique, les spectacles de l’Opéra de Paris tendent tous à produire la même impression – y compris lorsqu’on change de salle. Il y a deux semaines, nous rendions compte d’une Tosca donnée à Bastille et sauvée par ses chanteurs ; hier, nous pouvions faire le même constat au sujet de La Clemenza di Tito, programmée à Garnier…

Là encore, la mise en scène n’est pas nouvelle – nous l’avions déjà vue en 1997 (avec Keith Lewis, Cynthia Lawrence et Anne Sofie von Otter dans les principaux rôles) ; elle a, depuis, été donnée une soixantaine de fois. Nous n’en avions pas pensé grand-chose à l’époque, et pas plus aujourd’hui : sous couvert d’épure, Willy Decker rend une page à moitié blanche, se contentant de « faire peser » sur les personnages son dispositif scénique. Un dispositif qui a plutôt bien vieilli : les toiles peintes, rappelant l’abstraction lyrique d’un Cy Twombly ou d’un Olivier Debré, possèdent un véritable impact, particulièrement celle figurant l’incendie de Rome (elles s’harmonisent aussi fort bien au plafond de Chagall).

La Clémence de Titus
Amanda Majeski (Vitellia) et Michèle Losier (Sesto) ©Emilie Brouchon - Opéra national de Paris

Et il en va de même de la sculpture monumentale représentant la tête de Titus, qui émerge, au fil des tableaux, d’un énorme bloc de marbre, et semble vouloir chasser du plateau le Titus de chair et de sang. Les costumes, évoquant tantôt un XVIII° siècle décadent (le chœur, en noir), tantôt les années 1950 (les gants de Vitellia, dignes de Gilda), sont aussi plutôt réussis. Cela suffit-il à faire une mise en scène ? Certes pas, d’autant que l’éclairage brille par son inconsistance. Si, pour cette reprise, la direction d’acteurs a été légèrement adaptée, elle reste cependant tributaire du talent de chacun, tant il semble que l’indication principale ait consisté à faire marcher Sesto et Annio de cour à jardin, à faire brandir un poignard à Vitellia et grimper Titus sur sa propre effigie. Passons…

Passons aussi sur la direction routinière et mal équilibrée de Mark Wigglesworth, brouillon dans les pages d’apparat (ouverture, marche et chœurs), beaucoup plus lent et attentif dans les airs, efficace dans les trois trios mais incapable de soutenir l’arche dramatique du premier finale.

LA CLEMENCE DE TITUS
Stanislas de Barbeyrac (Tito Vespasiano), Anna El-Khashem (Servilia) et Jeanne Ireland (Annio) ©Emilie Brouchon / Opéra national de Paris
La Clémence de Titus
Stanislas de Barbeyrac (Tito Vespasiano) et Christian Van Horn (Publio) ©Emilie Brouchon / Opéra national de Paris

 Il faut dire qu’à nouveau, l’orchestre, encore crispé, avec des cors à la justesse suspecte et des bois peu sensuels (à l’exception du magnifique cor de basset solo), déçoit ; tandis que le chœur tire toujours son épingle du jeu.

La distribution vocale fait la part belle aux chanteurs venus d’outre-Atlantique, qui, s’ils n’affichent pas tous un style irréprochable, font preuve d’une belle santé. L’Américaine Amanda Majeski semble se jouer de la tessiture crucifiante de Vitellia, dont elle darde aussi crânement l’aigu que le grave (« Veggo la morte » !) – cette assurance de soprano dramatique ayant pour contrepartie un timbre assez métallique et un certain manque de soin dans les vocalises. Plus nuancée, la Canadienne Michèle Losier déploie avec grâce le legato de « Deh, per questo istante solo » et s’impose de bout en bout par sa sensibilité, sans offrir, cependant, des teintes très variées. Jeanne Ireland ne fait pas mentir l’adage qui veut qu’Annio serve à révéler de futurs grands talents (et, notamment, de futurs Sesto), campant un jeune homme plein de vie, un peu canaille, à l’émotion communicative dans «Tu fosti tradito ». On apprécie aussi la rondeur fruitée d’Anna El-Khashem (mais moins son élocution, floue) comme la technique solide d’un Christian Van Horn qui a tout de même tendance à tonitruer. Le cas de Stanislas de Barbeyrac, lui, nous laisse perplexe. A-t-il eu les yeux plus gros que le ventre, en abordant Titus ? Est-ce trop tôt pour lui, ou déjà trop tard ?

La Clémence de Titus
Michèle Losier (Sesto) ©Emilie Brouchon / Opéra national de Paris

En début de soirée, il semble presque terrifié par son rôle, avec une émission poussée et serrée qui ne se justifie guère. Pourtant, il triomphe sans grandes difficultés du redoutable « Se all’impero », sur lequel achoppent tant de ténors, démontrant que son chant athlétique est un choix et non une obligation – mais il n’est pas à Bastille et il ne chante pas Otello, que diable !

Une remarque, pour finir : on comprend que, pour des raisons acoustiques, on ait fait choix d’un clavecin pour accompagner les récitatifs mais, avec un orchestre moderne, un pianoforte aurait paru plus cohérent…

Olivier Rouvière

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Olivier Rouvière

REVIEWER

Diplômé en Histoire de l’Art et docteur en Lettres, Olivier Rouvière est journaliste musical, spécialisé en dramaturgie de l’opéra. Ancien producteur délégué à France Musique. Répertoires de prédilection : baroque et slave, au sens large.

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