Guillaume Tell
Guillaume Tell à Marseille :
théâtralement indigent, mais quel chef !
OPÉRA EN 4 ACTES
Livret de Étienne DE JOUY et Florent BIS d’après Johann Friedrich von SCHILLER
Création à Paris, Opéra Le Peletier, le 3 août 1829
Dernière représentation à l’Opéra de Marseille, le 13 mars 1965
Marseille, 17/10/2021
Alexandre Duhamel (Guillaume Tell), Annunziata Vestri (Hedwige), Jennifer Courcier (Jemmy), Cyril Rovery (Gessler), Angélique Boudeville (Mathilde), Enea Scala (Arnold), Thomas Dear (Melchthal), Camille Tresmontant (Rodolphe), Patrick Bolleire (Walter Furst), Jean-Marie Delpas (Leuthold), Carlos Natale (Un pêcheur), Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille
Michele Spotti (Chef d’orchestre)
Louis Désiré (Metteur en scène)
Avec le soutien de la Ville de Saint-Étienne et de l’Opéra de la Ville de Saint-Étienne
Régie : 1*
Interprétation : 3,5*
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Écrit en langue française, créé à Paris le 3 août 1829, Guillaume Tell est le dernier opéra composé par Rossini. Inspiré de la tragédie de Schiller (1804), le livret raconte la rébellion des Suisses au XIV° siècle contre l’occupant autrichien et la geste de leur héros Guillaume Tell. Une intrigue parallèle dévoile l’amour partagé entre Arnold, patriote suisse, et la princesse autrichienne Mathilde. Grandiose fresque épique, au lyrisme intense et aux scènes de bravoure farouches, l’ultime opéra de Rossini jette les bases de ce qui deviendra le « grand opéra français ».
Pour monter Guillaume Tell, il faut relever de nombreux défis. La longueur de l’ouvrage (plus de 4 heures), la difficulté technique de nombreux rôles – en particulier celui du ténor -, la puissance des éléments dont l’Ouverture donne un aperçu, la masse orchestrale et chorale, les scènes d’action héroïque, Rossini mobilise les ressources de son art pour animer la lutte des insurgés contre la violence de l’occupation ennemie. En dehors du rôle titre et d’une direction musicale portant au sommet un orchestre galvanisé, l’Opéra de Marseille qu’on a connu mieux inspiré ne réussit pas à se hisser à la hauteur de ces enjeux.
Louis Désiré familier des Chorégies d’Orange et de nombreuses festivals et scènes internationaux aime l’opéra. Il respecte les ouvrages, sans les soumettre à la question. Mais, amorphe, atone, ennuyeuse, pauvre, vieillotte, sa mise en scène ne sert pas la force subversive du combat pour la liberté qui est le grand sujet de l’œuvre. Les contraintes sanitaires ont à coup sûr modifié les intentions initiales : pas de chœur, donc pas de foule, sur le sable du plancher. Relégués sur un disgracieux praticable en fond de scène, alignés sagement, malaisément audibles, en décalage fréquent avec l’orchestre, ils commentent piteusement une action inexistante au lieu de l’animer, de la vivre, de la faire vibrer. Mieux vaut cent fois une version concert que cette plate mise en place de figurants de substitution empotés, empêtrés, ces cubes et autres coffres en bois ne représentant qu’eux mêmes, cette absence de direction d’acteurs, qui rend la célébration des noces au I, ou les « danses » pantomimes du III tristement risibles. Comment ne s’est-il trouvé personne dans la vénérable maison pour reléguer aux oubliettes cette platitude indigente, impuissante, irrespectueuse dans le fond des artistes convoqués, réduits à improviser dans un univers insignifiant ?
C’est la même absence d’exigence et de rigueur artistique sans doute qui autorise des spectateurs à arriver avec dix minutes de retard et le spectacle à débuter au delà de l’horaire annoncé !
« Sans la liberté de blâmer, il n’est pas d’éloge flatteur. » (Beaumarchais). Notre sévérité initiale est le revers de notre respect pour les chanteurs et les musiciens réunis. Pour sa prise de rôle en Guillaume Tell, Alexandre Duhamel émeut dans l’expression de ses tendresses (bouleversant « Sois tranquille »), transporte dans les élans vigoureux du patriote. Le baryton français à la carrière en constante progression confirme les promesses qu’on place en lui par une voix noble et puissante, souple et chaleureuse, un jeu de scène engagé, une ardeur, une clarté d’élocution qui lui valent un beau succès aux saluts. Élancé, élégant, valeureux, Enea Scala, familier du rôle, campe un Arnold vaillant et amoureux engagé avec fièvre dans sa passion comme dans l’insurrection. La voix du ténor sicilien fait preuve d’un bel enthousiasme dans l’élan vocal, même si les éclats et leur intensité mériteraient plus de nuances, de maîtrise, de souplesse.
Révélation bien connue des mélomanes marseillais, Angélique Boudeville tente une prise de rôle prudente. Mathilde n’est pas dans ses meilleurs notes. L’absence de grave, une forme d’indolence dans le chant édulcore une prestation dans un rôle qui apparaît au delà de ses moyens actuels. « Sombres forêts » et le grand duo cependant séduisent par leur mélancolie et l’élégance de la ligne musicale. En odieux Gessler, Cyril Rovery impose sa mâle autorité. Dans des comprimari inégaux, on distinguera l’Hedwige touchante d’ Annunziata Vestri.
Saluons sans réserve une direction musicale de haut vol. Elle sauve la représentation de l’ennui. Sous la baguette animée et sensible de Michele Spotti, rossinien accompli, l’orchestre brille par sa vaillance, sa vivacité, son énergie. Le chef sait de la partition faire jaillir les éclats héroïques et sourdre la tendresse lyrique. La suppression de la fosse et le débordement des musiciens dans la salle apportent une proximité qui renforce l’effet de houle enthousiaste qui entraîne troupe et spectateurs à unir leur émotion dans un final enfin grandiose, hymne intemporel à la liberté.
Jean Jordy
18/10/2021
Pour moi « Guillaume Tell » ce sont aussi les chœurs et quelle tristesse de les voir voilés en arrière plan par une mise en scène plan plan (et franchement ridicule avec ses décors de boites en bois amovibles et son bateau de pacotille façon aluminium). Néanmoins j’ai ressenti toute l’émotion d’une direction inspirée, de l’ouverture à la scène finale que je ne connaissais qu’en version italienne et qui a bercé l’ouverture quotidienne des programmes de la RAI de 1955 à 1986, sous sa forme symphonique.
Sauf erreur de ma part, Enea Scala n est pas du tout familier du rôle, il chante le rôle d Arnoldo pour la première fois…
Selon mes informations, Enea Scala a déjà chanté le rôle d’Arnold à Palerme en 2018, à Genève en 2015 . Sa prise de rôle en Arnold date de 2014 à Turin
Merci beaucoup pour cette info