Thaïs n’est pas aujourd’hui l’opéra le plus connu ou joué de Jules Massenet. Manon, Werther et même Don Quichotte sont plus représentés dans les maisons d’opéras, même si des productions récentes à Tours, Saint-Etienne, Monte Carlo et Paris (TCE) ont pu afficher l’histoire de la courtisane. Celle signée Stefano Poda lui redonne une puissance et une beauté remarquables. Etrange récit que celui de Thaïs, « prêtresse infâme du culte de Vénus », – lire une prostituée de luxe -, dont un saint homme, ancien pécheur, Athanaël, « veut gagner l’âme à Dieu », c’est-à-dire la convertir au christianisme. Elle mourra sanctifiée. Suivant l’itinéraire inverse, dévoré de passion et de désir charnel, l’anachorète s’abimera dans la souffrance et la frustration. Chez Anatole France – Prix Nobel de littérature 1921 – dont le livret s’inspire, cette double évolution inversée est nettement ironique : l’intention satirique peu discutable sonne comme une dénonciation des comportement religieux sinon hypocrites, du moins insincères ou fallacieux. L’abstinence dont se targue Athanaël, le fanatisme qu’il impose ne sont que le masque du désir et de la violence exercée sur le corps et ses pulsions, sur la femme aussi. Massenet et son librettiste ont adouci la portée anticléricale du propos et ont signé un opéra plus lisse et ainsi plus humain, plus émouvant.