Pauline Viardot, star du passé, star retrouvée ?
Près de huit heures d’émission sur France Musique, un colloque organisé du 25/09 au 15/10 à L’Opéra Comique, des conférences, une masterclass, des concerts, des expositions font du bicentaire de la naissance de Pauline Viardot un événement culturel majeur. Or le nom de l’artiste (1821 – 1910) est quasi inconnu du grand public, bien moins célèbre que celui de sa prestigieuse sœur La Malibran, voire de son père le ténor Manuel Garcia. Et pourtant que de noms illustres sont attachés à sa vie de cantatrice, de muse, de pianiste, de compositrice ! Qu’on en juge.
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Premier Almaviva du Barbier de Rossini, Manuel Garcia était un illustre chanteur qui a parcouru l’Europe et l’Amérique, un compositeur fertile et un pédagogue doué, exigeant et sévère. A sa famille, il fait découvrir New-York où Pauline petite fille rencontre Da Ponte et les Garcia donnent la première américaine de Don Giovanni. De treize ans la cadette de Maria future Malibran (cantatrice adulée, morte par accident à 28 ans), Pauline Garcia est une pianiste exceptionnelle, élève de Liszt, jeune maître vénéré. Mais à la mort de sa sœur, la famille décide d’en faire une cantatrice. Des années plus tard, elle écrira : « C’était un crève-cœur pour moi de renoncer au piano pour lequel je me sentais une vocation irrésistible ».
Dès son premier récital à Bruxelles, Pauline âgée de 16 ans triomphe, non par sa beauté – Pauline était laide -, mais par la technique et la grâce de son chant. Tous succombent aux sortilèges de cette voix de mezzo, chaude, ample et pleine de saveur. En tournée en Allemagne, elle se lie avec les Mendelssohn, Robert Schumann, Clara Wieck sa future épouse, avec laquelle elle joue en osmose à quatre mains : leur amitié durera toute leur vie. Polyglotte, Pauline parcourt l’Europe avant de rejoindre Paris.
Dans les salons, elle séduit par son talent, son intelligence, son esprit. Le premier concert parisien (1838) est un nouveau succès, couronné par un article louangeur de Musset, qui la demande même en mariage sans que, prévenue par sa nouvelle amie George Sand en personne, elle s’en émeuve. L’héroïne du roman de Sand Consuelo (1842) s’inspire de Pauline. A Londres, puis à Paris, elle reprend les grands rôles rossiniens de sa sœur en y ajoutant une connaissance intime des personnages (Cendrillon, Desdémone, Tancrède) et une tendresse touchante.
En 1840, elle épouse Louis Viardot, directeur du Théâtre des Italiens, dont elle aura quatre enfants. Pendant dix ans, des tournées toujours triomphales la conduisent partout en Europe, jusqu’en Russie et à New-York et Mexico.
Partout elle reçoit un accueil enthousiaste dans ses incarnations des héroïnes de Rossini, ou dans Norma. A Moscou, en 1844 elle rencontre Tourgueniev avec lequel elle entretiendra une relation amicale ou amoureuse pendant près de 40 ans, et qui écrira quatre livrets pour les opéras qu’elle a composés (1867-1869).
Créatrice du Prophète 1849 de Meyerbeer, grand admirateur de la chanteuse (rôle de Fidès conçu pour elle), elle obtient en France un succès immense dans le rôle d’Orphée de Gluck, dans une version élaborée par elle et pour elle par Berlioz (1859), et qu’elle chante en femme et non travestie, imposant ainsi du poète créateur une vision résolument moderne et féministe. Elle sera aussi une Alceste admirable en 1862. Elle devient la protectrice, entre autres, de Charles Gounod dont elle créera Sapho et avec lequel elle entretiendra une abondante et précieuse correspondances de 1849 à 1893. A Paris, elle tient salon chez elle 48 Rue de Douai où se presse toute l’intelligentsia française et européenne. On peut y admirer un orgue magnifique signé Cavaillé-Coll et la partition autographe de Don Giovanni acquise à prix d’or en 1855 et qu’elle léguera au Conservatoire de Paris en 1903. On peut y entendre par exemple la création parisienne du deuxième acte de Tristan chanté par Wagner en Tristan et Pauline Viardot en Isolde.
Opposés à Napoléon III, les Viardot s’exilent à Baden Baden. Pauline partage son temps entre sa famille, ses activités sociales et culturelles, la composition (œuvres chorales, instrumentales, mélodies). Son aura intellectuelle illumine ses proches jusqu’à sa mort à Paris en 1910. La célébration de son anniversaire de naissance permet de rendre justice à une artiste hors pair et à une femme libre en avance sur son temps. Laissons à Berlioz le soin d’analyser cette voix extraordinaire : « La voix de Mlle Garcia, égale dans tous les registres, juste vibrante et agile, s’élève du fa grave au contre-ut soit deux octaves et une quinte et cette étendue est déjà immense, puisqu’elle réunit trois genres de voix qui ne se trouvent jamais ensemble : le contralto, le mezzo-soprano et le soprano ».