Lettres d’Opéra : Lettres que l’on reçoit (suite et fin).
Épisode 4.
You can have any review automatically translated. Click the Google Translate button (“Vertalen”), which can be found at the top right of the page. In the Contact Page, the button is in the right column. Select your language at the upper left.
LETTRES D’OPÉRAS. Modèle de déclamation lyrique, la lettre de Geneviève à l’acte I de Pelléas et Mélisande est brève, mais pose de vrais problèmes d’interprétation. Écrite par Golaud à son demi-frère Pelléas. elle l’informe de sa rencontre avec Mélisande, de leur mariage il y a six mois et de son intention de revenir au Royaume d’Allemonde si Arkel qui espérait une autre union pour son petit fils donne son autorisation. Geneviève, la mère de Golaud et Pelléas lit la lettre au roi aveugle. Pour suggérer les mystères qui entourent la jeune épouse, la musique à l’orchestre enveloppe l’évocation du personnage de ses harmoniques troublées : « Je ne sais ni son âge, ni qui elle est, ni d’où elle vient /et je n’ose pas l’interroger, car elle doit avoir eu une grande épouvante ». La mezzo-soprano à qui est confié le rôle de Geneviève doit éviter la monotonie et l’expression dramatique outrée, l’intention lyrique appuyée et la banalité, l’égalité du ton et la variété effrénée des registres. Debussy a noté « simplement et modéré ». L’articulation du texte français doit être parfaite, et la ligne de chant toujours soutenue, sans tentation du « parlé-chanté », mais naturelle. Aussi les Geneviève, dignes et sobres, émouvantes et réservées, qui respectent ces instructions, refusent les effets, pensent au personnage et au climat de l’opéra plus qu’à faire valoir ce personnage aux courtes apparitions ne sont pas nombreuses. Nous en avons sélectionné trois : Rita Gorr, Sylvie Brunet-Grupposo, Lucile Richardot. Beauté et efficacité dramatique garanties.
Page d’une rare beauté, moment d’émotion intense, l’air des lettres de Charlotte, dans Werther de Massenet. A la veille de Noël, Charlotte qui aime en secret Werther relit les billets qu’il lui a envoyés depuis le départ imposé (« Comment m’est venu ce triste courage d’ordonner cet exil et cet isolement ?») Cette plongée dans les lettres cristallise la passion de la jeune femme qui ne peut plus se cacher ses sentiments : cette lucidité trouvera son accomplissement lors de l’aveu final au moment de la mort de Werther. L’air est à la fois un dialogue avec l’absent et un monologue : cette dualité de l’énonciation donne à la page son dynamisme, sa variété et son efficacité dramatique. En faisant entendre la parole croisée des deux amants, la scène abolit la séparation entre les deux corps, entre les deux cœurs. La lecture de la première lettre se termine par la triple répétition de « seul », rimant avec « linceul », tel un glas.
Debussy. Pelléas et Mélisande. « Voici ce qu’il écrit à son frère Pelléas ( Je ne sais ni son âge, ni qui elle est, ni d’où elle vient) ». Sylvie Brunet-Grupposo.
La deuxième lettre fait résonner à l’orchestre léger et lumineux et à la voix animée « les cris joyeux d’enfants » qui ravivent les souvenirs partagés des jours heureux. La troisième tragique qui se clôt par le terrible « Tu frémiras » dans les notes les plus graves du registre de la mezzo soprano, semble annoncer le suicide. Le premier mot de l’air est le prénom de Werther, un des derniers celui de Charlotte, comme si le couple se constituait dans l’échange de la douleur. La communion des âmes par l’émotion transcrite par l’un, éprouvée par l’autre semble être le sens profond de cet air, une des grandes réussites musicales de Massenet. Le compositeur français avait déjà composé un air de la lettre dans Manon : Des Grieux y écrivait à son père sa rencontre avec la toute jeune fille, air qui méritait sa place dans la première partie de notre feuilleton. Mais le registre apaisé était de tout autre nature, de moindre ampleur. Une grande Charlotte ? La grande Joyce Di Donato.
Massenet. Werther, « Air des lettres ». Joyce DiDonato.
Nous terminerons cet inventaire non exhaustif dans l’univers lyrique des lettres à l’opéra par une missive au statut très particulier. Elle n’est pas chantée, mais lue et détermine un air et une cabaletta explosifs, rageurs, quasi sauvages. Dans l’opéra de Verdi Macbeth, lady Macbeth apprend par un courrier de son époux la prophétie des sorcières « Nel di della vittoria io le incontrai ». L’air qui suit exprime avec force ses doutes sur la volonté de Macbeth de conquérir par la violence le pouvoir annoncé. Elle affirme hautement qu’elle sera pour lui une alliée résolue et un aiguillon sans faille. L’introduction orchestrale de la scène se compose de quatre ascensions puissantes que les vents viennent hardiment couronner. Se fait entendre la lettre, parfois hélas ! lue par la voix du baryton absent, plus justement par celle charnue, tranchante, enflammée de la mezzo avant que n’éclatent la détermination de l’ambitieuse et le « Vieni ! T’affretta ! » avec ses ondes montantes, comme des marées ardentes. Peu après l’invocation aux ministres de l’enfer qui « poussent aux meurtres les mortels » soulèvera les houles de l’ardeur criminelle.( « Or tutti sorgete »).
La lettre comme condensateur d’émotions et détonateur : voilà peut-être une bonne définition aussi de tout opéra. L’écoute des deux dernières références ne nous contredira pas : Shirley Verrett et Maria Callas.