L’évocation de quelques scènes ou images de ce nouveau Faust actualisé suffira à mettre en fureur bien des lecteurs d’Opéra Gazet. Marguerite enceinte sur la table du gynécologue chante « Il ne revient pas » pendant une échographie qui décèle un fœtus diabolique. Marguerite prie en vain dans une rame de métro, alors que dans ses écouteurs hurlent des chants démoniaques ou religieux. Marguerite surprise par Valentin de retour d’une tournée sportive vomissant dans les toilettes. Siebel emporté au final par les séides malicieux de Méphisto à la place de l’héroïne, sacrifiée par son amour naïf pour Marguerite hagarde. Valentin, loubard mais catho, devenu entraîneur d’une équipe internationale de basket. Faust impuissant à honorer Marguerite après la scène dite du jardin (réduit à un buisson miteux) voit Méphisto suppléer à cette incapacité passagère. Faust et Méphisto désarçonnent deux cavaliers de la police montée pour une « chevauchée de Walpurgis » dans un Paris nocturne. Est-ce là une lecture honnête du spectacle ? Biaisée assurément, même si rien n’est inventé, partielle et partiale.
Vous pouvez faire traduire automatiquement tout commentaire. Cliquez sur le bouton Google Translate (« Vertalen »), qui se trouve en haut à droite de la page. Dans la page de contact, le bouton se trouve dans la colonne de droite. Sélectionnez votre langue en haut à gauche.
Faust : Benjamin Bernheim
Méphistophélès : Christian Van Horn
Valentin : Florian Sempey
Wagner : Christian Helmer
Marguerite : Ermonela Jaho
Siébel : Michèle Losier
Dame Marthe : Sylvie Brunet‑Grupposo
Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris
Chef d’orchestre : Lorenzo Viotti
Directeur : Tobias Kratzer
Musique: *4*
Mise-enscène: *2,5*
Le Faust est disponible jusqu’au 03/04/2021 par simple inscription gratuite.
Depuis la désormais légendaire production Lavelli si contestée en 1975, et après une triste tentative de renouvellement, l’Opéra de Paris attendait un Faust digne de sa ville de création (1859). Le metteur en scène allemand Tobias Kratzer relève le défi. On connaît ses parti pris qui dérangent, provoquent huées ou sarcasmes. (Tannhäuser à Bayreuth, Les Huguenots à Nice, Fidélio à Londres). Chacun cependant lui concède un réel travail de mise en scène (Le Prophète à Karlsruhe).
Benjamin Bernheim (Faust, Gounod)
Son Faust iconoclaste déçoit moins par ses provocations que par son incapacité à assurer un propos clair. Transposé dans le monde contemporain, Faust est embarqué par un Méphisto vraiment diable dans une sorte de cavalcade fantastique où l’élixir de jouvence, telle une drogue à renouveler, perd progressivement de son efficacité : le Faust âgé réapparaît alors par à-coups, reléguant le Faust artificiellement rajeuni à l’angoisse de n’être plus. L’idée des deux Faust est intéressante, bien conduite, finement assurée par la mise en scène.
Florian Sempey (Faust, Charles Gounod)
Christian Van Horn (Faust, Charles Gounod)
Et les scènes des deux acolytes survolant la Ville Lumière sont spectaculaires et de la salle doivent saisir, tout comme l’incendie de Notre-Dame provoqué par un mégot de cigarettes négligemment jeté par le Diable. Mais le décalage est béant entre la lettre d’un livret désuet, de vers surannés empreints de religiosité et la modernité agressive d’une mise en scène inventive mais qui tord le récit en l’actualisant. L’usage intempestif des vidéos et des trucages convainc inégalement dans une scénographie dont les références cinématographiques (Batman ou Superman, Rosemary’s Baby, Subway, West Side Story…) abondent. Il est vain de regretter les Faust de papa, mais tout aussi vain de présenter un nouveau Faust qui se démodera très vite.
Benjamin Bernheim & Christian Van Horn (Faust, Charles Gounod)
Les chanteurs peinent à incarner des personnages si éloignés des mots qu’ils doivent chanter. Et dès lors s’installe chez le spectateur une forme de désillusion fataliste d’autant plus frustrante que, nouveau hiatus, l’interprétation vocale est bonne, voire excellente. Domine le Faust magnifique de Benjamin Bernheim : peu à l’aise dans son marcel, il est en revanche pleinement dans sa tessiture. La ligne élégante du chant, la prononciation, la variété des couleurs s’avèrent exemplaires. Quel dommage que sa cavatine soit parasitée par la vision de l’appartement d’une Marguerite boudeuse, en attente d’un galant de préférence fortuné ! Ermonela Jaho depuis sa Thaïs de Peralada en 2019 a fait des progrès énormes pour articuler la langue française. La voix est superbe, brillante, vibrante et son engagement dramatique, malgré quelques excès, toujours assuré. Le Méphisto de Christian Van Horn est une bonne découverte. Ricanant à l’excès, ce diable là a de la présence, de l’aplomb, une forme d’élégance vocale qui compense quelques limites dans « Le Veau d’or ». Siebel nous gratifie d’un second air (« Versez vos chagrins dans mon âme ») qui confirme le statut singulier que le metteur en scène donne à ce personnage dont Michèle Losier ne fait qu’une bouchée. A la tête d’un orchestre en forme, Lorenzo Viotti donne une nouvelle jeunesse à la partition devenue plus fluide, plus dynamique. L’élixir de jouvence réussit ici pleinement.
Jean Jordy
27-03-2012
Nous aimons entrer en contact avec nos lecteurs. Veuillez ajouter un commentaire sous cet article et/ou noter l’article avec 1 à 5 étoiles. Faites défiler vers le bas.
Le Faust est disponible jusqu’au 03/04/2021 par simple inscription gratuite.