Don Carlo à Milan

Don Carlo
C’est pour ça que nous sommes et serons toujours là


« Don Carlo » de Giuseppe Verdi
dirigé par Riccardo Chailly avec l’Orchestre et le Chœur du Teatro alla Scala, Version en 4 acts 1884
mis en scène par Lluis Pasqual
Teatro alla Scala di Milano
22 décembre 2023

DirettoreRiccardo Chailly
RegieLluis Pasqual
SceneDaniel Bianco
CostumiFranco Squarciapino
LuciPascal Metrat
CoroAlberto Malazzi

Fillipo II.Michele Pertusi
Don CarloFrancesco Meli
Elisabetta di ValoisAnna Netrebko
La Principessa EboliVeronica Simeoni
RogrigoLuca Salsi
Il Grande InquisitoreJongmin Park
Un Frate/Carlo Quinto Jongmin Park/Huanghong Li
TebaldoElisa Verzier
Il Conte di Lerma/Araldo realeJinxu Xiahou
Una Voce dal cieloRosalia Cid
Muziek: 4*****
Regie: 3***

DON CARLO

Acte V, scène 1 : « Le Cloître de Saint-Just. La nuit. Effet de lune. Elisabetta entre lentement, perdue dans ses pensées. Elle s’approche du tombeau de Charles-Quint et s’agenouille », nous dit la didascalie. Elle est face à nous, tout simplement, sans aucun effet scénique ; son chant s’élève : « Toi [Charles-Quint] qui sus le néant des grandeurs de ce monde, toi qui goûtes enfin la paix douce et profonde » […] « Fontainebleau ! C’est là que Dieu reçut notre éternel serment ; et son éternité n’aura duré qu’un moment ». C’est bientôt la fin d’une terrible histoire qui l’aura bousculée, dévastée, comme elle aura bousculé, dévasté, tous ses autres protagonistes. Elisabetta chante un air paradoxalement merveilleux dans la façon dont Verdi l’a conçu et orchestré. Il est la prodigieuse synthèse d’un déferlement humain, politique, historique de plus de trois heures.

© Teatro alla Scala
© Teatro alla Scala

Un jour, par hasard, dans la forêt de Fontainebleau, Elisabetta rencontra Carlos, l’Infant d’Espagne. Coup de foudre, serment d’éternité. Mais la raison d’Etat s’en est mêlée : Philippe II, le père de Carlos, a décidé qu’Elisabetta serait sa femme. Leur amour est donc impossible, interdit. Epouvantable situation humaine qui va traverser le livret avec ses doutes, ses jalousies, ses vengeances, ses aveux répétés, la séparation définitive. Une histoire intime au confluent de la grande Histoire avec la répression impitoyable dans les Flandres occupées, avec l’omniprésence impitoyable de l’Inquisition. Une histoire d’amitié (Carlos et Rodrigue), une histoire de fidélités contradictoires (Rodrigue, à la fois l’ami de Carlos et le confident du Roi), une histoire d’amour vain (celui de la Princesse Eboli pour Carlos). Un magnifique livret de Joseph Méry et Camille du Locle.

© Teatro alla Scala
© Teatro alla Scala

Mais si, depuis 1868, nous sommes toujours émus par cette histoire, c’est surtout grâce à la partition de Verdi, qui en dit, qui en développe, qui en exalte les péripéties. C’est grâce à ses interprètes.

Et j’en reviens alors à la scène première de l’Acte V. Elisabetta s’adresse à Charles-Quint. L’air en lui-même est toujours si émouvant, mais l’autre soir, à La Scala, nous avons connu un de ces moments de grâce, de plénitude, qui justifient nos présences perpétuées à l’opéra. Elisabetta, c’était Anna Netrebko. Quelle intériorisation de son personnage, quelle évidence dans son chant: oui, c’est ainsi que cela doit être. Et les mille huit cents spectateurs oublient tout, subjugués, fascinés, émus. Dans un temps suspendu. Lui succèdent les cris du bonheur éprouvé, que Riccardo Chailly, le chef, laisse longuement s’exprimer. Oui, quel moment rare que cette communion entre des mots, des notes, le talent d’une interprète et une écoute ravie.

© Teatro alla Scala
© Teatro alla Scala

Un moment inoubliable, manifestement vécu intensément par l’interprète elle-même. Si bien entourée d’ailleurs avec Francesco Meli et Luca Salsi, si justement intenses eux aussi en Carlo et Rodrigo. Avec Michele Pertusi, Philippe II autoritaire dans le rôle comme dans la voix, et si émouvant dans son « Elle ne m’aime pas». Avec Jongmin Park plus qu’inquiétant Grand Inquisiteur dans les ténèbres de son intégrisme et de sa basse redoutable. Avec Veronica Simeoni (remplaçant en urgence Elina Garanca, souffrante, avant de reprendre le rôle pour la seconde série des représentations) si emportée dans son amour vain et ses fureurs vengeresses. Tous les autres (Huanhong Li, Elisa Verzier, Jinxu Xiahou, Rosalia Cid, Chao Liu, Wonjun Jo, Giuseppe de Luca, Xhieldo Hyseni, Neven Crnic) leur donnent une réplique bienvenue. Quant à Riccardo Chailly, avec l’Orchestre et le Chœur de La Scala, il est le parfait maître d’œuvre de cette partition qui conjugue les plus épouvantables déferlements et les plus délicates expressions de sentiments contrariés. Lluis Pasqual a installé tout cela dans un décor unique, qui tourne et qui peut s’ouvrir, convaincant quand il nous installe près du tombeau de Charles-Quint, extrêmement révélateur des toutes-puissances terrestre et céleste quand il se fait immense paroi dorée au milieu de laquelle trône le roi ou le Grand Inquisiteur, mais qui n’offre guère d’échappée aux développements de l’intrigue. Son mérite étant de n’entraver en rien les splendeurs, et quelles splendeurs, du chant.

Stéphane Gilbart

 

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Stéphane Gilbart

REVIEWER

Based in Luxembourg, but lyrically nomadic . With eclectic tastes, and always happy with the surprises that opera continues to offer him : other soloists, another conductor, another director, just a new one, etc. Happy also to share what he lived here, there or elsewhere.

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Hilaire De Slagmeulder.
Hilaire De Slagmeulder.
3 mois il y a

Don Carlos est mon opéra Préféré de Verdi et je l’adorerai toujours. Sa longueur ne me gêne aucunement , et c’est pourquoi je préfèrerai toujours la version originale en 5 actes qui nous révèle les caractères et toutes les intimités des personnages et leurs relations réciproques. Aucune des versions abrégées que Verdi a conçu plus tard n’atteint la plénitude de la version originale française de 1868 qu’il serait simple de nous offrir en langue italienne. Le premier acte de la version originale nous offre une image des malheurs du peuple flamand sous le joug espagnol et c’est pourquoi Elisabeth, éprise… Lire la suite »