AIX-EN-PROVENCE 2023

Un anniversaire, une découverte, un grand moment

 

Le 75e anniversaire du Festival international d’Art lyrique d’Aix-en-Provence en quelques mots

 11 juillet 2023

Aix-en-Provence fête son 75e anniversaire

Le Festival d’art Lyrique d’Aix-en-Provence fête son 75e anniversaire, célébrant ainsi une magnifique aventure au très long cours. Le Festival, ce sont des lieux emblématiques : le Théâtre de l’Archevêché, le petit écrin du Théâtre du Jeu de Paume, la cour de l’Hôtel Maynier d’Oppède, le Domaine du Grand Saint-Jean, à la campagne, mais aujourd’hui délaissé pour des raisons logistiques et de sécurité. Et, plus récent (2007), le Grand Théâtre de Provence aux 1300 places « avec belle vue », dont la configuration et les moyens techniques permettent toutes les mises en scène. Le Festival initial voulait célébrer les opéras de Mozart. Il s’est très vite heureusement diversifié.

Chaque année, un opéra est créé pour l’occasion. Ce qui nous vaut régulièrement (et nous a valu cette année encore) de belles découvertes.

Aix-en-Provence
"Picture a day like this". Festival d'Aix-en-Provence 2023. ©Jean-Louis Fernandez

Cette fois-ci, l’œuvre inédite est le  Picture a Day like This, une création dont on se souviendra. George Benjamin et Martin Crimp, leurs auteur et compositeur ont l’habitude de travailler ensemble. Ils nous avaient déjà valu à Aix le si convaincant « Written on Skin ». Cette fois, il s’agit d’une femme, The Woman, écrasée de douleur par la mort de son enfant, qui part à la recherche de « quelqu’un d’heureux qui lui donnerait un bouton de sa manche ». Elle rencontre des gens heureux, mais ils ne le sont qu’en apparence… La réalité est tout autre. Une dernière rencontre lui permettra cependant de faire le deuil de l’irréversible. La musique de Benjamin est remarquable. Une musique qui jamais n’est pléonasme ni simple illustration-amplification de ce qui se dit. Non, elle est, dans ses nuances subtiles – quelle orchestration – langage significatif. Quelle délicatesse, quelle retenue, quels élans, quels éclats aussi. Qui d’autre que George Benjamin pouvait la mieux exprimer en dirigeant lui-même un Mahler Chamber Orchestra à l’unisson de ses intentions. Ces mots et cette musique, Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma les ont multipliés dans leur mise en scène et dans leur scénographie. Quant aux interprètes, ils ont fait leur les partition-mots-personnages. Quelle force et quelle justesse dans leurs présences. Surtout Marianne Crebassa, si exacte, si convaincante, si bouleversante en Woman.

aix en provence
"L'opéra de quat'sous". Festival d'Aix-en-Provence 2023. ©Jean-Louis Fernandez.

Le grand moment de ce 75e Festival – un bonheur – a été le Wozzeck d’Alban Berg avec Sir Simon Rattle, le chef d’orchestre, et Simon McBurney, le metteur en scène. Le chef d’orchestre révèle toute la force de cette incroyable partition dans toutes ses nuances, remarquablement secondé par ce fantastique instrument qu’est le London Symphony Orchestra – et, soulignons-le, l’Estonian Philharmonic Chamber Choir. Simon Rattle réussit à atteindre l’équilibre entre « l’intelligence et la passion » qui, selon lui, caractérise la partition. Quant à Simon McBurney, cette fois encore, il n’impose aucun concept préalable à l’œuvre, il en décèle les lignes de force, il perçoit ses sous-jacences ; il se met à son service, en toute modestie créative… avec quel talent. Quel art aussi de l’enchaînement des séquences, en incroyable fluidité. Il est à la fois un artisan du théâtre à l’ancienne (un jeu avec des chaises ou un simple encadrement de porte par exemple) et un maître dans l’art d’utiliser les ressources des images vidéo et des effets lumineux les plus complexes. Quelle maîtrise aussi dans les mises en place et les déplacements du chœur. Confrontés à son univers, nous redevenons petit enfant subjugué, nous retrouvons l’émerveillement de la magie théâtrale. Il est vrai aussi que la distribution est en parfaite harmonie avec cet environnement musical et scénique. Quel Wozzeck que celui de Christian Gerhaher !

Une proposition originale a été celle du spectacle d’ouverture, à l’Archevêché : L’Opéra de quat’sous de Bertolt Brecht-Kurt Weill. Oui, vous avez bien lu, il ne s’agissait pas de la version originelle allemande Die Dreigroschenoper, mais bien d’une version française, confiée aux comédiens de la Comédie-Française. Qui avaient d’ailleurs appris à chanter pour l’occasion, et de façon époustouflante pour certains. N’empêche, c’est un sacré pari dans la mesure notamment où les articulations et intonations de la langue française sont structurellement différentes (dans la prononciation et ses effets) de la langue allemande. Et c’est un Allemand, Thomas Ostermeier, qui en a réalisé la mise en scène – sa première mise en scène d’opéra. Sa proposition séduit dans pas mal de ses choix, mais elle reste un peu sage sans doute pour un metteur en scène qui nous a habitués à davantage de radicalité.

Aix-en-Provence
"Cosi fan tutte". Festival d'Aix-en-Provence. ©Monika Rittershaus.

Le Festival d’Aix-en-Provence, c’est donc aussi, depuis ses origines, la célébration des opéras de Mozart. Celui de cette année : un Cosi fan Tutte confié scéniquement à Dmitri Tcherniakov. Certains se souviendront de sa Carmen devenue le sujet d’un jeu de rôle proposé à un couple en difficulté. Cette fois, il a imaginé qu’un hôte facétieux, secondé par sa gouvernante-maîtresse, imaginait de faire jouer l’intrigue de l’opéra par deux couples bourgeois plutôt âgés. Il met ainsi au défi la solidité de leurs relations. Cette proposition a divisé le public et les critiques.

Stéphane Gilbart

www.festival-aix.com – jusqu’au 24 juillet.

 

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Stéphane Gilbart

REVIEWER

Based in Luxembourg, but lyrically nomadic . With eclectic tastes, and always happy with the surprises that opera continues to offer him : other soloists, another conductor, another director, just a new one, etc. Happy also to share what he lived here, there or elsewhere.

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