La Voix humaine de Marina Viotti

La Voix humaine est une pièce de théâtre en un acte de Jean Cocteau, créée dans une mise en scène de Jean-Pierre Laruy à la Comédie-Française le 17 février 1930. L’œuvre est adaptée sous forme de tragédie lyrique par Francis Poulenc en 1959, sous le même titre, La Voix humaine. Elle ne met en scène qu’un seul personnage, une femme au téléphone, en un dialogue lacunaire, tronqué.

 

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Elle : Marina Viotti, mezzo-soprano
Orchestre : Orquestra Gulbenkian
Chef d’orchestre :  Lorenzo Viotti
Mise-en-scène : Vincent Huguet

Musique: *4*
Mise-en-scène:  *4*

Diffusé le 4/12/2020, visible sur YouTube, le concert proposé par la fondation Gulbenkian de Lisbonne est placé sous le signe de la femme et de l’amour passion.

D’entrée de jeu, l’ouverture de My fair lady, un Je te veux d’Eric Satie distillé avec un charme fou par Marina Viotti, deux chansons d’Edith Piaf Mon Dieu et Padam déjà déchirées créent un climat singulier, d’émotions et de sentiments simples, profonds. Chevelure blonde, fourreau écarlate scintillant, Marina Viotti impose son élégante silhouette, sa voix fruitée, son articulation du français exemplaire et son autorité scénique. Alors que s’amenuisent la rengaine de l’ultime chanson, s’allume un décor de boudoir, de loge d’artiste. Et les premiers accords de La Voix humaine de Poulenc lancent leur sinistre avertissement.

Le compositeur explicite dans une lettre le sujet de ce qu’il nomme « ce bel enfant triste » ou ailleurs « un ensemble atroce » : « Je fais un opéra en un acte avec La Voix humaine de Cocteau. Vous connaissez le sujet : une femme (c’est moi, comme Flaubert disait « Bovary, c’est moi ») téléphone, pour la dernière fois, à son amant qui se marie le lendemain ».

Pour interpréter ce monodrame, il faut une chanteuse capable de tendresse, de douceur, mais aussi de cris, de véhémence, et une comédienne. Marina Viotti manifeste toutes ces qualités et plus encore.

Dans ses silences, ses interrogations, elle parvient à faire vivre le personnage de l’amant absent, à faire surgir la valse tendre des souvenirs heureux. L’engagement de la chanteuse, vêtue d’un déshabillé rouge vif, ne cède jamais, avec une volonté farouche de proclamer son amour, rendant explicite le commentaire d’un analyste : « C’est un déchirement, un sacrifice, qui doit être joué en permanence sur scène, un peu comme si on prenait plaisir à rouvrir inlassablement une plaie qui peine à se cicatriser ». La voix de la jeune mezzo est pleine, riche, nuancée, puissante, celle d’une tragédienne lyrique. Après la litanie des « Je t’aime » qui terminent l’œuvre, le bouleversant Salve Regina de Poulenc s’élève du chœur que prolonge Smile de Charlie Chaplin confié à la chanteuse illuminée d’un mince halo de lumière. Et cela perce l’âme.

Saluons les qualités de cohésion, de finesse des timbres de l’Orchestre Gulbenkian que dirige Lorenzo Viotti depuis 2018. Le chef suisse, frère de Marina, impose sa fougue et son exigence rythmique. Sa lecture de la musique de Poulenc, magnifique d’intensité, parvient à rendre compte des ravages intérieurs, des coups et des blessures infligés à la pathétique héroïne dont il accompagne la Passion. Vincent Huguet partenaire régulier de Lorenzo Viotti a le privilège de monter partout la production d’Elektra de Strauss élaborée par Patrice Chéreau. Il doit mettre en scène la trilogie Mozart Da Ponte dirigée par Daniel Barenboim à Berlin. Huguet a imaginé aujourd’hui une scénographie simple, éclatante, efficace. L’orchestre en arrière-fond accompagne le chemin de croix du personnage crucifié par la douleur de l’abandon. Les accessoires (tables de maquillage, bouquet posé sur le divan rouge) disent la sensualité passée, et les gestes appartiennent autant à la douleur qu’à l’étreinte. Les mouvements du personnage sont resserrés entre les parois d’un espace étroit et ce lieu de tragédie intime convient à ce que Cocteau nommait une « chambre de meurtre ».

Le spectacle, hommage émouvant aux voix féminines, s’ouvre à tous les genres lyriques: cabaret, comédie musicale, opéra, musique religieuse, thème de film. Il constitue un écrin pour l’interprète principale. Frère et sœur unis dans le même succès, Vincent Huguet à leurs côtés recueillent de la part des musiciens et du public conquis des brassées d’applaudissements émus.

 Jean Jordy


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Jean Jordy

REVIEWER

Jean Jordy, professeur de Lettres Classiques, amateur d'opéra et de chant lyrique depuis l'enfance. Critique musical sur plusieurs sites français, il aime Mozart, Debussy, Rameau, Verdi, Britten, Debussy, et tout le spectacle vivant.

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